Je m’appelle Alexis, mais on m’appelle plus sobrement Alex. Depuis quelques semaines, en écoutant de la musique, et plus particulièrement des sons instrumentaux, je me suis laissé emporter par ce monde si vaste et qui réussit à me transporter. Je décide alors de me plonger dans la pratique de l’instrument qui fait battre mon cœur, le piano. Je sais que commencer l’apprentissage à plus de vingt ans n’est pas un avantage, mais mon envie est plus forte que tout.
Pourquoi la musique ? Depuis petit, j’ai été intrigué par cet univers sans jamais pouvoir réellement m’en approcher. Je viens d’un milieu où les passions paraissent dérisoires comparées à la carrière. Mais chaque fois que j’entends un son, un bruit, cela m’interpelle. Je dois essayer, ressentir chacune de ces sonorités au plus proche de ma peau.
Un samedi après-midi, je m’apprête à faire le grand saut. Je vagabonde dans le quartier artistique, un endroit que j’ai récemment découvert, où la liberté de créativité est à son paroxysme. C’est le lieu parfait pour apprendre et trouver ce que je cherche. Je décide d’aller voir un professionnel, un musicien accrédité qui saura me guider vers les bonnes pratiques.
Je rejoins l’adresse que l’on m’a donnée et, j’arrive devant une bâtisse sobre, à peine remarquable dans ce lieu où les couleurs sont omniprésentes. Je sonne à la porte, on m’invite à entrer. Le paradis, voilà le premier mot qui me vient à l’esprit. Des instruments, tous plus magnifiques les uns que les autres, et au centre de la pièce, l’objet de mes convoitises : un piano d’une beauté inégalable. Au pied de ce piano, une jeune femme d’une trentaine d’années fait résonner chacune des notes dans la pièce. Cette mélodie me frappe en plein cœur, la sensation est presque indescriptible, mais une chose est certaine : la musique me fait un bien fou.
Après quelques minutes d’égarement, je reprends mes esprits et me dirige vers l’accueil où le professeur m’attendait déjà. Je lui explique ma situation, que je n’ai aucune connaissance mais que l’envie d’apprendre, de découvrir ce monde ne cesse de me traverser l’esprit.
S’en suit alors une courte explication de sa part où il m’explique que la musique, se compose de beaucoup de rigueur, de théorie, et cela avant même de songer à la pratique. Selon lui, pour comprendre l’essence même de l’art musical, on se doit de connaître parfaitement son histoire.
Même si je ne m’attendais pas à tant de fermeté quant à son approche, je reste motivé et lui demande alors ce que je devais faire pour pouvoir me lancer, rapidement dans cet art. Il me coupe alors en m’expliquant qu’en étant pressé je serai voué à un échec ou du moins à un apprentissage « bancal ».
A peine avait-il sorti ces mots que la femme qui était sur le piano s’arrêta et lui coupa la parole.
« Mon cher monsieur ne l’écoutais pas, il fait simplement son ancien, et cherche à voir si vous êtes réellement motivé ou si vous allait lâcher l’affaire. Cela fait des années qu’il n’a pas pris un élève et encore moins un total amateur »
A peine avait-elle le temps de s’exprimer que notre cher professeur repris la parole et lui répondit.
« Ce n’est pas une joueuse de votre niveau qui vas me donner une leçon et encore moins sur le piano, j’y ai consacré toute ma vie. Votre musique si vous l’appelez ainsi n’est qu’un vaste éventail aléatoire et dissonant à mes oreilles ».
Sa musique si mal ? pourtant à mes oreilles ces notes semblaient sonner plus que juste et même sur une sonorité des plus agréable. Peut-être ai-je tords et que je ne comprends réellement rien à la musique.
Avant même que je puisse finir ma réflexion, leur débat s’intensifia et je me retrouvais tel un spectateur face au débat le plus important de ma vie, celui de la musique.
« Ma musique dissonante ? quel affront, je n’ai peut-être pas votre expérience et votre connaissance mais mon approche de la musique est tout aussi respectable. Un vrai musicien ne se permettrai en aucun cas de juger le travail des autres » répondit Linda (oui j’appris plus tard qu’elle s’appelait Linda).
Et avant même que le professeur puisse lui répondre, elle rétorqua « La musique est avant tout un art, une passion, un partage, chacun l’exprime à sa manière. Je ne remets pas en question votre foi sur la théorie mais celle-ci n’est pas une nécessité. »
« La théorie n’est pas nécessaire ? » s’écria-t-il, « Arrêter d’essayer de faire dévier les gens de la vraie pratique, comment comprendre les notes si on ne les apprend pas ? comment lire une partition sans ces connaissances ? vous vous considérez comme musicienne, mais vous fourvoyer ce jeune homme qui ne veux qu’apprendre. Vous parlez d’art, de passion mais est-ce la vôtre manière de transmettre l’art ? »
Un peu piqué par cette intervention, la musicienne reprend son souffle et lui répond sereinement « vous vous trompez sur mon sujet, je n’ai jamais dit que l’apprentissage théorique est à proscrire, mais juste que la musique que vous proposez est uniquement votre musique, ni la mienne, et encore moins celle de ce jeune homme. Vous critiquez ouvertement ma musique, mais avez-vous réellement pris le temps de l’écouter ? je ne crois pas. Vous avez un avis bien trop tranché sur le sujet, selon vous il faut suivre une route bien précise pour apprendre LA musique. Mais en réalité la musique est bien plus que ça, chacun est libre de l’admirer, l’apprécier, la consommer et également la pratiquer comme il l’entend »
Ne s’attendant pas à une telle réponse, le musicien se tut quelques secondes puis se remit à répondre. « Ce n’est pas ma musique mais la musique, comme tout art la musique a besoin de rigueur, de limite, et une approche précise. Si on s’amusait à pratiquer de la musique sans rien y comprendre, elle en en serait détériorée. Vous aurez beau me faire la morale sur mon intransigeance mais c’est celle-ci qui as fait de moi le virtuose que je suis. Votre laxisme ne fera pas de vous une vraie artiste mais simplement une pratiquante, vous n’atteindrez pas les sommets de cet art si noble ».
Remarquant que le ton commençait à monter je pris le temps de les arrêter « cela suffit, vous n’avez pas à vous tirailler autant pour de la musique. Dans mon esprit la musique n’est que partage, et non pas de conflit. Je vous prierais de vous calmer, et j’aimerai pouvoir également placer un mot. Je ne suis peut-être qu’un aspirant musicien, qui n’y connaît rien à ce monde comparé à votre expérience monsieur, ou as votre sensibilité madame. Mais vos discours m’ont permis de comprendre une chose, et de faire un choix. Vous avez tous les deux raisons et tords ».
« Monsieur, votre approche très disciplinaire as l’avantage certes de comprendre la musique, d’être au plus près de l’idée d’un pianiste. Mais votre rejet de l’art de madame montre à quel point vous n’avez aucune ouverture. On est dans un monde en constante évolution, l’art évolue avec l’homme ainsi que ses codes. Au lieu de discréditer l’art des autres, apprenez d’eux. Renforcer votre propre art en vous appuyant sur l’art des autres ».
« Madame quant à vous, j’apprécie énormément votre approche plus libre du piano mais je pense qu’il y a un fond de vrai dans son approche. La théorie reste essentielle, et ne dois pas passer en secondaire. Des personnes douées naturellement tel que vous il en existe peu. Votre point de vue bien qu’alléchante ne s’applique qu’à une poignée d’individu. J’ai trouvé dans votre manière de jouer une vraie sensation de partage, une fluidité qui ne s’acquière qu’avec de l’expérience. Rien ne s’obtient sans rien. Vous devriez quant à vous être plus compréhensible sur le besoin de l’approche théorique qui sera selon moi plus adapté aux novices tel que moi. »
« Si je devais aujourd’hui choisir un professeur, une personne capable de m’enseigner la musique tel que moi je la conçois…je choisirais : tous les deux. J’ai autant besoin de structuration que de liberté, vos approche si différentes sont complémentaires et je pense que si j’avais la possibilité d’apprendre à vos côtés je pourrais devenir le pianiste qui me correspondra le mieux. Qu’en pensez-vous ? »
Tous deux complétements déboussolés par mon discours ne savaient plus où donner de la tête. Puis sur un moment de complicité que je ne pensais pas voir ils se lancent un regard, un léger sourire s’affichent sur leur visage et hochèrent la tête. Ils se retournent alors vers moi en prononçant dans une synchronisation parfaite un « oui j’accepte »
Quel ne fut pas ma joie d’avoir réussi ce qui semblait l’impossible, je vais enfin pouvoir commencer une nouvelle vie, celle d’un apprenti musicien en quête de bonheur personnel.
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